DE MOGADOR À DJEBEL TABAYOUDT PAR LE RABBIN MARDOCHÉE ABI SEROUR.

Duveyrier, Henri

Numéro d'objet: 65
Date: 1875
Genre: Article
Lieu: Paris
Sujet: Géographie / Géologie

Recherche dans "Notes":

1875. Duveyrier, Henri. – De Mogador au Djebel Tabayoudt, par le Rabbin Mardochée Abi Serour. Résumé du Journal de Voyage. I. c., p. 561.
The Rabbi was sent by M. Baumier, French Consul at Mogador, to explore the country to the S. of Mogador. An excellent map is given of his itinerary.



Titre : De Mogador au Djebel Tabayoudt, par le rabbin Mardochée Abi Serour / résumé du journal de voyage par Henri Duveyrier
Auteur : Duveyrier, Henri (1840-1892)
Éditeur : Société de géographie (Paris)
Date d'édition : 1875
Sujet : Maroc -- Descriptions et voyages -- 19e siècle
Type : monographie imprimée
Langue : Français

ABISROR Mordekhaï (19e s.).
Géographe et explorateur, il traversa le Sahara jusqu'à Tombouctou et découvrit l'existence d'une tribu juive nomade. Son récit fut publié dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris en 1895. Il accompagna Charles de Foucauld dans son exploration secrète du Maroc rapportée dans le livre Reconnaissance du Maroc.
Sur l'oeuvre de Duveyrier, rené Pottier: Un prince saharien méconnu, Henri Duveyrier, Paris 1938

MARDOCHE ABY SEROUR, LE RABBIN VOYAGEUR
Article écrit par Raquel Levy-Toledano, publié dans l'ARCHE de Sept-Oct 2023.
Mardoché Aby Serour était à la fois rabbin, commerçant, explorateur, géographe, enseignant, aventurier, trafiquant d'or et peut-être espion… Mais il est surtout connu pour avoir été le guide de Charles de Foucault qu'il a accompagné pendant onze mois dans le Sud marocain.
SON PARCOURS
Mardoché voit le jour en 1826, à Akka (province de Tata dans la région du Souss) dans le Sud du Maroc. Il quitte seul son village natal à l'âge de 9 ans pour Marrakech et, dès lors, sillonne infatigablement toutes les routes du pourtour méditerranéen et tous les sentiers alors inconnus d'Afrique, du Maroc à Tombouctou. Entre 13 et 17 ans, au cours d'un de ses périples autour de la méditerranée, il séjourne à Jérusalem, étudie dans une yeshiva et devient rabbin.
EXPÉRIENCE AFRICAINE
On retrouve ensuite sa trace au Soudan où il est trafiquant d'or ou comme caravanier dans le Sahara. Au cours de ses voyages incessants, il ouvre de nouveaux itinéraires, il rapporte des expériences africaines alors inconnues et commerce entre le Maroc et l'Afrique. À Tombouctou, interdite depuis des siècles aux non-musulmans, il parvient à convaincre la population locale qu'il vaut mieux commercer avec les juifs qu'avec les autres peuplades et y fonde une petite communauté juive.
Malheureusement, les caravanes de Mardoché se font plusieurs fois attaquer. Les gens de Tombouctou prennent possession de ses biens qu'il finit par abandonner pour rentrer à Mogador en 1868, ruiné. Là, il s'épanche auprès du Consul de France Auguste Beaumier, à qui il conte ses malheurs récents. Passionné de géographie et fasciné par ce rabbin polyglotte, le Consul de France demande à Mardoché de faire le récit – en français ! – de ses expériences africaines et surtout de décrire tous les itinéraires suivis. Ce récit est publié dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris sous le titre « Premier établissement des Israélites à Tombouctou ». La carrière de Mardoché est relancée ! Dès lors, ses voyages auront pour objectif de prélever des échantillons botaniques et géographiques pour les sociétés savantes parisiennes et de … collecter des renseignements.
ABY SEROUR ET CHARLES DE FOUCAULD
En 1883, on le charge de guider à travers le Maroc Charles de Foucauld, ancien militaire, vicomte et explorateur. Pour cette mission qui durera près d'un an, le vicomte est déguisé en rabbin afin qu'il se fonde dans la population juive et surtout qu'il puisse pénétrer dans certains villages interdits aux chrétiens. De retour triomphant de ce voyage, de Foucauld publie un livre qui rencontre un franc succès, mais dans lequel le rôle de Mardoché n'est même pas mentionné. Bien au contraire, dans son livre, il juge sévèrement les juifs marocains qu'il présente comme des primitifs. De même, dans sa correspondance avec ses proches, de Foucauld décrit Mardoché comme un personnage inculte, sans morale, ni principes.
Trahi, le Rabbin Mardoché Aby Serour meurt à Alger le 6 avril 1886, oublié de tous !
NOTRE HÉRITAGE
Notre héritage collectif juif marocain, ce sont les consuls, les émissaires, les Tajjers de Mogador, les aventuriers, les « chercheurs » de caoutchouc, la tante Phoebe qui savoure son « 5 o' clock » thé dans une tasse en porcelaine et qui t'interpelle en disant « seat down, nahbibesk ! », les artisans assis en tailleur penchés sur leur ouvrage dans le mellah, les riches commerçants dans une kissariah, les pleureuses qui se labourent les joues devant un défunt (contre une pièce), les enfants juifs de villages reculés qui ânonnent des versets de Thora au heder et le rabbin Mardoché Aby Serour dans sa gloire et dans sa mort solitaire !

Historique:

Né dans le sud marocain à Akka, il part à neuf ans, seul de son village, vers Marrakech où il étudie le Talmud et l'hébreu. À 13 ans, il est envoyé à Jérusalem pour y suivre des études rabbiniques; il met trois ans pour atteindre la Palestine. Là, il passe quatre ans dans une yeshiva et en ressort en 1846 avec le titre de rabbin. Il sert ensuite la communauté d'Alep en Syrie pendant un an, ce qui lui permet de réunir assez d'argent pour entamer son voyage de retour au Maghreb. De 1847 à 1858 il est rabbin en Algérie, à Philippeville et Alger.
Il se rend ensuite à Tamantit dans le Touat (actuel sud-ouest algérien). Il y noue des contacts avec des caravaniers et, sa fortune faite, revient à son village natal d'Akka. Il décide alors de traverser le Sahara, avec son frère cadet Isaac, pour se rendre à Tombouctou, mystérieuse cité sahelienne, ville sainte pour l'Islam, interdite aux non-musulmans. Le début de sa traversée se déroule bien, cependant il se retrouve bloqué à Araouane (au nord de l'actuel Mali). Il parvient à gagner la confiance des gardiens du lieu en faisant la preuve de sa maîtrise parfaite du texte coranique mais doit attendre un an avant d'obtenir l'autorisation de continuer son périple.
Séjour à Tombouctou

Il parvient ensuite à Hamdallaye, capitale de l'empire peul du Macina ; là, reçu par le souverain Ahmadou Ahmadou, il parvient à le convaincre de lui octroyer, ainsi qu'à tout juif ou chrétien qui en ferait la demande, l'autorisation de résider et de commercer à Tombouctou en échange du payement d'une taxe. Il fait prospérer ses affaires dans cette ville. En 1863, sa fortune faite, Il rentre au Maroc pour revoir ses proches et convaincre famille et amis de le rejoindre dans le Sahel. En 1864, il y a assez de Juifs à Tombouctou pour faire le minian. Cependant la petite communauté ne tarde pas à connaître des déboires. En raison de pressions externes, la totalité de ses biens est confisquée par le gouverneur de la ville. Serour quitte la région, ruiné, en 18711.
Correspondant de la Société de géographie

Après être rentré dans sa région natale, il fait la rencontre du consul français de Mogador. Ce dernier est fasciné par ce rabbin voyageur qui connait les mystères du bilâd as-sûdân, le « pays des noirs ». Serour lui fait le récit de ses aventures africaines, son histoire est publiée dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris sous le titre Premier établissement des Israélites à Timbouctou. Il travaille ensuite pour le compte de sociétés savantes françaises parcourant des régions lointaines et collectant flore et minéraux.

Puis, afin d'acquérir une formation scientifique, il voyage jusqu'à Paris où il fait sensation. Des articles lui sont consacrés dans Le Monde illustré et dans le Journal officiel, et il rencontre des sommités du monde scientifique. Rentré au Maroc il mène plusieurs expéditions et fournit du matériel scientifique aux savants français dans plusieurs domaines dont la géographie, la cartographie et l'archéologie. Il révèle entre autres l'existence au monde occidental des Daggatoun, une tribu d'origine juive nomadisant aux marges du Sahara. Cette découverte obtient cependant peu d'échos.
À la suite du décès du consul français, Serour retombe dans l'oubli. Il part du Maroc pour aller enseigner le Talmud à Oran en Algérie. Il y mène une existence pauvre et sa santé se dégrade. Sur les conseils d'Oscar Mac Carthy de la bibliothèque d'Alger, Charles de Foucauld l'engage comme guide afin de partir à la découverte du Maroc, un pays alors interdit aux chrétiens. Mardochée Aby Serour s'acquitte de cette mission au péril de sa vie en faisant passer Foucauld pour un Juif russe du nom de Joseph Aleman. Les deux hommes prétendent être des émissaires de Palestine collectant des fonds au profit d'écoles rabbiniques de Jérusalem chargées de la formation des rabbins maghrébins. Ce stratagème permet à Foucauld de parcourir le pays pendant onze mois et de récolter de précieuses informations utilisées plus tard pour l'établissement du Protectorat français du Maroc.

Usé par ce voyage, Aby Serour meurt moins de deux ans plus tard dans l'oubli et la misère à Alger le 6 avril 1886.

Charles de Foucauld mentionne à peine le nom d'Aby Serour dans son livre Reconnaissance au Maroc peu avare de descriptions antisémites des Juifs marocains, et qui obtiendra un grand succès à sa publication. Foucauld qui parle de Serour en des termes péjoratifs dans sa correspondance privée, ne lui rendra hommage que très tardivement.

Fictions
En 2011 l'écrivain Kébir Mustapha Ammi écrit un roman intitulé Mardochée, entièrement rédigé à la première personne et présenté comme le testament du rabbin marocain. Ce roman raconte la reconnaissance au Maroc de Charles de Foucauld désigné sous son nom de couverture Joseph Aleman. Bien que tous les lieux et personnages cités soient réels il est difficile de parler de roman historique quant à cet ouvrage. L'auteur utilise des faits réels, dans un contexte historique authentique en faisant cependant des écarts constants, sinon des mensonges, avec la véritable histoire. Un ouvrage récent sur le périple de Foucauld et Mardochée au Maroc a souligné « le nombre incalculable d'inepties, de mensonges, de contre-vérités, d'omissions volontaires ou non, d'erreurs manifestes » qui figurent dans le livre de Kébir Ammi.

Les auteurs de ce livre qui est paru en 2018, corroborent le sentiment de certains lecteurs, d'un livre écrit dans « la haine » de Charles de Foucauld. Contrairement à ce que prétend ce roman, les deux aventuriers n'ont jamais mis les pieds au cours de leur voyage à Mouay Idris, à Volubilis ou encore à Tiznit. Il convient de préciser que Foucauld ne confessait pas la religion chrétienne au moment de la reconnaissance et n'a jamais exprimé les sentiments islamophobes que lui prête l'auteur, bien au contraire. Foucauld n'était pas non plus homosexuel comme le suggère le roman. Il n'avait pas non plus de lien avec Pétain. Quant au personnage de Mardochée qui commet des assassinats et qui a des moeurs débauchées, il est sans commune mesure avec les véritables biographies du personnage.

http://www.akadem.org//sommaire/colloques/le-peuple-du-livre-en-terre-africaine/la-tora-a-tombouctou-16-05-2008-7306_4128.php