LETTRE SUR LES TRAVAUX DU RABBIN MARDOCHÉ ABISROR
Ernest Hamy - Laboratoire d'Anthropologie du Museum d'Histoire Naturelle
Numéro d'objet: |
35048 |
Date: |
1877 |
Genre: |
Enveloppe / Lettre |
Lieu: |
France |
Sujet: |
Actes et documents |
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MARDOCHE ABY SEROUR, LE RABBIN VOYAGEUR
Article écrit par Raquel Levy-Toledano, publié dans l'ARCHE de Sept-Oct 2023.
Mardoché Aby Serour était à la fois rabbin, commerçant, explorateur, géographe, enseignant, aventurier, trafiquant d'or et peut-être espion… Mais il est surtout connu pour avoir été le guide de Charles de Foucault qu'il a accompagné pendant onze mois dans le Sud marocain.
SON PARCOURS
Mardoché voit le jour en 1826, à Akka (province de Tata dans la région du Souss) dans le Sud du Maroc. Il quitte seul son village natal à l'âge de 9 ans pour Marrakech et, dès lors, sillonne infatigablement toutes les routes du pourtour méditerranéen et tous les sentiers alors inconnus d'Afrique, du Maroc à Tombouctou. Entre 13 et 17 ans, au cours d'un de ses périples autour de la méditerranée, il séjourne à Jérusalem, étudie dans une yeshiva et devient rabbin.
EXPÉRIENCE AFRICAINE
On retrouve ensuite sa trace au Soudan où il est trafiquant d'or ou comme caravanier dans le Sahara. Au cours de ses voyages incessants, il ouvre de nouveaux itinéraires, il rapporte des expériences africaines alors inconnues et commerce entre le Maroc et l'Afrique. À Tombouctou, interdite depuis des siècles aux non-musulmans, il parvient à convaincre la population locale qu'il vaut mieux commercer avec les juifs qu'avec les autres peuplades et y fonde une petite communauté juive.
Malheureusement, les caravanes de Mardoché se font plusieurs fois attaquer. Les gens de Tombouctou prennent possession de ses biens qu'il finit par abandonner pour rentrer à Mogador en 1868, ruiné. Là, il s'épanche auprès du Consul de France Auguste Beaumier, à qui il conte ses malheurs récents. Passionné de géographie et fasciné par ce rabbin polyglotte, le Consul de France demande à Mardoché de faire le récit – en français ! – de ses expériences africaines et surtout de décrire tous les itinéraires suivis. Ce récit est publié dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris sous le titre « Premier établissement des Israélites à Tombouctou ». La carrière de Mardoché est relancée ! Dès lors, ses voyages auront pour objectif de prélever des échantillons botaniques et géographiques pour les sociétés savantes parisiennes et de … collecter des renseignements.
ABY SEROUR ET CHARLES DE FOUCAULD
En 1883, on le charge de guider à travers le Maroc Charles de Foucauld, ancien militaire, vicomte et explorateur. Pour cette mission qui durera près d'un an, le vicomte est déguisé en rabbin afin qu'il se fonde dans la population juive et surtout qu'il puisse pénétrer dans certains villages interdits aux chrétiens. De retour triomphant de ce voyage, de Foucauld publie un livre qui rencontre un franc succès, mais dans lequel le rôle de Mardoché n'est même pas mentionné. Bien au contraire, dans son livre, il juge sévèrement les juifs marocains qu'il présente comme des primitifs. De même, dans sa correspondance avec ses proches, de Foucauld décrit Mardoché comme un personnage inculte, sans morale, ni principes.
Trahi, le Rabbin Mardoché Aby Serour meurt à Alger le 6 avril 1886, oublié de tous !
NOTRE HÉRITAGE
Notre héritage collectif juif marocain, ce sont les consuls, les émissaires, les Tajjers de Mogador, les aventuriers, les « chercheurs » de caoutchouc, la tante Phoebe qui savoure son « 5 o' clock » thé dans une tasse en porcelaine et qui t'interpelle en disant « seat down, nahbibesk ! », les artisans assis en tailleur penchés sur leur ouvrage dans le mellah, les riches commerçants dans une kissariah, les pleureuses qui se labourent les joues devant un défunt (contre une pièce), les enfants juifs de villages reculés qui ânonnent des versets de Thora au heder et le rabbin Mardoché Aby Serour dans sa gloire et dans sa mort solitaire !