MARDOCHÉE ABY SEROUR 1826-1886

Jacob Oliel

Numéro d'objet: 24152
Date: 2010
Genre: Livre
Lieu: Québec
Sujet: Judaisme marocain

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Né dans le sud marocain à Akka, il part à neuf ans, seul de son village, vers Marrakech où il étudie le Talmud et l'hébreu. À 13 ans, il est envoyé à Jérusalem pour y suivre des études rabbiniques; il met trois ans pour atteindre la Palestine. Là, il passe quatre ans dans une yeshiva et en ressort en 1846 avec le titre de rabbin. Il sert ensuite la communauté d'Alep en Syrie pendant un an, ce qui lui permet de réunir assez d'argent pour entamer son voyage de retour au Maghreb. De 1847 à 1858 il est rabbin en Algérie, à Philippeville et Alger.
Il se rend ensuite à Tamantit dans le Touat (actuel sud-ouest algérien). Il y noue des contacts avec des caravaniers et, sa fortune faite, revient à son village natal d'Akka. Il décide alors de traverser le Sahara, avec son frère cadet Isaac, pour se rendre à Tombouctou, mystérieuse cité sahelienne, ville sainte pour l'Islam, interdite aux non-musulmans. Le début de sa traversée se déroule bien, cependant il se retrouve bloqué à Araouane (au nord de l'actuel Mali). Il parvient à gagner la confiance des gardiens du lieu en faisant la preuve de sa maîtrise parfaite du texte coranique mais doit attendre un an avant d'obtenir l'autorisation de continuer son périple.
Séjour à Tombouctou

Il parvient ensuite à Hamdallaye, capitale de l'empire peul du Macina ; là, reçu par le souverain Ahmadou Ahmadou, il parvient à le convaincre de lui octroyer, ainsi qu'à tout juif ou chrétien qui en ferait la demande, l'autorisation de résider et de commercer à Tombouctou en échange du payement d'une taxe. Il fait prospérer ses affaires dans cette ville. En 1863, sa fortune faite, Il rentre au Maroc pour revoir ses proches et convaincre famille et amis de le rejoindre dans le Sahel. En 1864, il y a assez de Juifs à Tombouctou pour faire le minian. Cependant la petite communauté ne tarde pas à connaître des déboires. En raison de pressions externes, la totalité de ses biens est confisquée par le gouverneur de la ville. Serour quitte la région, ruiné, en 18711.
Correspondant de la Société de géographie

Après être rentré dans sa région natale, il fait la rencontre du consul français de Mogador. Ce dernier est fasciné par ce rabbin voyageur qui connait les mystères du bilâd as-sûdân, le « pays des noirs ». Serour lui fait le récit de ses aventures africaines, son histoire est publiée dans le Bulletin de la Société de Géographie de Paris sous le titre Premier établissement des Israélites à Timbouctou. Il travaille ensuite pour le compte de sociétés savantes françaises parcourant des régions lointaines et collectant flore et minéraux.

Puis, afin d'acquérir une formation scientifique, il voyage jusqu'à Paris où il fait sensation. Des articles lui sont consacrés dans Le Monde illustré et dans le Journal officiel, et il rencontre des sommités du monde scientifique. Rentré au Maroc il mène plusieurs expéditions et fournit du matériel scientifique aux savants français dans plusieurs domaines dont la géographie, la cartographie et l'archéologie. Il révèle entre autres l'existence au monde occidental des Daggatoun, une tribu d'origine juive nomadisant aux marges du Sahara. Cette découverte obtient cependant peu d'échos.
À la suite du décès du consul français, Serour retombe dans l'oubli. Il part du Maroc pour aller enseigner le Talmud à Oran en Algérie. Il y mène une existence pauvre et sa santé se dégrade. Sur les conseils d'Oscar Mac Carthy de la bibliothèque d'Alger, Charles de Foucauld l'engage comme guide afin de partir à la découverte du Maroc, un pays alors interdit aux chrétiens. Mardoché Aby Serour s'acquitte de cette mission au péril de sa vie en faisant passer Foucauld pour un Juif russe du nom de Joseph Aleman. Les deux hommes prétendent être des émissaires de Palestine collectant des fonds au profit d'écoles rabbiniques de Jérusalem chargées de la formation des rabbins maghrébins. Ce stratagème permet à Foucauld de parcourir le pays pendant onze mois et de récolter de précieuses informations utilisées plus tard pour l'établissement du Protectorat français du Maroc.

Usé par ce voyage, Aby Serour meurt moins de deux ans plus tard dans l'oubli et la misère à Alger le 6 avril 1886.

Charles de Foucauld mentionne à peine le nom d'Aby Serour dans son livre Reconnaissance au Maroc peu avare de descriptions antisémites des Juifs marocains, et qui obtiendra un grand succès à sa publication. Foucauld qui parle de Serour en des termes péjoratifs dans sa correspondance privée, ne lui rendra hommage que très tardivement.

Fictions
En 2011 l'écrivain Kébir Mustapha Ammi écrit un roman intitulé Mardoché, entièrement rédigé à la première personne et présenté comme le testament du rabbin marocain. Ce roman raconte la reconnaissance au Maroc de Charles de Foucauld désigné sous son nom de couverture Joseph Aleman. Bien que tous les lieux et personnages cités soient réels il est difficile de parler de roman historique quant à cet ouvrage. L'auteur utilise des faits réels, dans un contexte historique authentique en faisant cependant des écarts constants, sinon des mensonges, avec la véritable histoire. Un ouvrage récent sur le périple de Foucauld et Mardoché au Maroc a souligné « le nombre incalculable d'inepties, de mensonges, de contre-vérités, d'omissions volontaires ou non, d'erreurs manifestes » qui figurent dans le livre de Kébir Ammi.

Les auteurs de ce livre qui est paru en 2018, corroborent le sentiment de certains lecteurs, d'un livre écrit dans « la haine » de Charles de Foucauld. Contrairement à ce que prétend ce roman, les deux aventuriers n'ont jamais mis les pieds au cours de leur voyage à Mouay Idris, à Volubilis ou encore à Tiznit. Il convient de préciser que Foucauld ne confessait pas la religion chrétienne au moment de la reconnaissance et n'a jamais exprimé les sentiments islamophobes que lui prête l'auteur, bien au contraire. Foucauld n'était pas non plus homosexuel comme le suggère le roman. Il n'avait pas non plus de lien avec Pétain. Quant au personnage de Mardoché qui commet des assassinats et qui a des moeurs débauchées, il est sans commune mesure avec les véritables biographies du personnage.

Historique:

http://www.akadem.org//sommaire/colloques/le-peuple-du-livre-en-terre-africaine/la-tora-a-tombouctou-16-05-2008-7306_4128.php