PETIT TAMBOUR
Darboukka
Numéro d'objet: |
22531 |
Catégorie: |
Instrument de musique |
Technique: |
Argent ciselé |
Origine: |
Mogador / Essaouira |
Date: |
1920 |
Support: |
Metal |
Historique:
La musique marocaine en général, et celle des communautés juives en particulier, présente un large éventail de styles divers qui se sont enchevêtrés au cours des siècles. Les Juifs étant de très anciens habitants du Maroc, ils ont pu recueillir dans leur patrimoine musical et perpétuer en les intégrant à leur tradition, certains des éléments des cultures musicales berbère, méditerranéenne ancienne, proche-orientale, maure, saharienne. Il leur est arrivé ainsi de conserver fidelèment tel trait disparu depuis longtemps de la tradition musicale du milieu environnant. La musique juive constitue donc un carrefour où se retrouvent l'Orient, l'Occident et l'Afrique.
On peut distinguer deux pôles d'influence musicale: l'un appartenant à la culture berbère qui prédomine à l'interieur du pays, dans l'Atlas et dans le sud, l'autre plus proche de l'art savant et raffiné originaire d'Espagne, transplanté apres la Reconquista dans les villes côtières du Maroc. Souvent, cependant, les deux styles se côtoient et s'amalgament si bien qu'il est difficile de déterminer soit l'ancienneté d'un style, soit son origine juive ou autochtone. Il semble qu'on puisse c1asser les différents genres par ordre décroissant d'authenticité dans l'ordre suivant: psalmodie biblique, mélodie de la prière quotidienne, mélodie plus solennelle du Chabbat et des fêtes, les piyyutim, les baqqachot et les chants de réjouissances familiales, les chants profanes d'hommes (danses et musique instrumentale), les chants profanes de femmes (danses et musique instrumentale ).
Parmi ces genres, le répertoire liturgique et séculaire des Juifs de l' Atlas forme la couche certainement la plus ancienne.
C'était évidemment dans les prières chantées et dans la psalmodie biblique que la vie et la foi juives trouvaient à s'exprimer pleinement. Outre la forme pentatonique
propre à la psalmodie et aux chants antiphonés, des formes tritoniques d'un archaïsme évident se retrouvent dans certaines psalmodies. Cependant les rapports étroits et constants entre populations juive et musulmane faisaient rencontrer chez l'une et l'autre les mêmes danses et les mêmes instruments tels que le bendir (tambour dont la caisse a 50 cm de diametre) et le gumbri (luth à trois cordes). La musique jouait également un rôle important dans les pélerinages que Juifs et Musulmans accomplissaient aux tombes de mêmes saints hommes.
Les femmes prenaient une part active à tous les aspects de la vie musicale, aux danses chantées aussi bien qu'aux lamentations funèbres dans lesquelles elles excellaient.
Le contraste entre la sobriété de la musique traditionnelle de ces régions et le style pratique dans les villes côtières est saisissant: bien que certains traits de la musique berbère aient subsisté là aussi, la musique d'influence méditerranéenne, et surtout espagnole, prédomine. Le Maroc, peu ouvert aux courants venant de l'est (Turquie et Proche-Orient), devait conserver la musique andalouse dans une plus grande pureté. Les Juifs y contribuèrent de façon importante par leur musique synagogale et par leurs excellents musiciens, qui prenaient part à la vie musicale.
La musique synagogale marocaine comprend des mélodies pansephardi, des mélodies judéo-portugaises, des mélodies synagogales du Proche-Orient mais celles-ci dépouillées de leurs ornements et mélismes. Selon le musicologue Idelsohn, elle contiendrait aussi des mélodies yéménites. Cet ensemble hétérogène est cependant dominé par le goût andalou exprimé surtout dans l'art du pay tan que possédaient presque toutes les synagogues. Le pay tan devait avoir une belle voix et faire preuve d'invention dans l'art d'adapter des mélodies connues aux poèmes tels que lekha dodi, yigdal Elohim hay ou aux prières du Chabbat et des fêtes diverses.Il chantait aussi en l'honneur du nouveau-marié avant sa montée à la Thora, dans les processions d'un bar-mitsva ou d'un marié de la maison à la synagogue et enfin dans toutes les fêtes. Certains paytanim, les plus doués, participaient à la célébration des baqqachot, sommet de l'art c1assique andalou, sorte de résumé de la nuba qui est la forme la plus complexe et la plus raffinée de la musique andalouse. Il s'agit d'une suite de chants et de pièces instrumentales arrangée selon un plan rythmique et expressif fort rigoureux. Signalons à côté des chants métriques l'existence des improvisations vocales du type inchad et muwwal dont se dégage toute la saveur que nous trouvons dans l'authentique flamenco espagnol. Le style vocal est en rapport avec les ornements que les chanteurs les plus habiles peuvent ajouter à la mélodie fondamentale.
Comme les baqqachot ont lieu pendant les nuits des Chabbat entre Sukkot et Pessah, l'orchestre, composé habituellement de ‘ud (luth à cinq cordes), qamanza (sorte de violon), tara (tambour sur cadre) et derbuka (tambour sur poterie) n'y participe pas. Les baqqachot, publiées dans sefer yedidut, sont classées suivant les sections de la Thora et par les références aux anciennes 24 nuba dont les 14 qui subsistent dans la musique juive portent le nom de triq. Si à la synagogue, l'on observait la stricte interdiction de recourir aux instruments de musique, il n'en était pas de même en dehors où l'on pratiquait la 'ala selon toutes les règles et avec beaucoup de zèle et de talent. Bien plus, les musiciens juifs ont atteint une grande renommée et ont joué un rôle important dans la vie musicale. C'est souvent au mellah que les Sultans recrutaient de nouveaux musiciens pour leur sitara -l'orchestre de chambre du Palais. Si l'on en croit un conte populaire juif, il y avait autrefois dans les Palais des troupes spéciales de musiciens juifs. Ce conte relate l'histoire d'un groupe de ce genre qui, obligé par ordre du Sultan de donner un concert le jour du 9 Av, fit entendre les lamentations appropriées à l'occasion et fut ensuite connu sous le nom de chanteurs de "l'affliction"
Il convient de signaler encore l'intense activité musicale dans les domaines folkloriques et semi-folkloriques, comme par exemple à l'occasion des pèlerinages aux tombes des nombreux saints, et bien entendu de la mimuna. Dans le cadre de ces événements on peut entendre presque tous les genres musicaux et notamment la qsida qui englobe une grande variété de thèmes.
Amnon Shiloah
Bibliographie:
Arts et Cultures du Maroc p.44