NOCE JUIVE AU MAROC
Delacroix, Eugène (d'après)
Numéro d'objet: |
22056 |
Catégorie: |
Tableau / Dessin |
Technique: |
Huile sur toile |
Origine: |
France |
Date: |
1850 |
Support: |
Toile, canevas |
Recherche dans "Notes":
Cette toile serait faite par un des élèves d'Eugène Delacroix qui aurait peint son portrait, adossé contre le mur de droite, avec une barbe noire et un turban bleu, à la place d'une femme qui apparait sur le tableau original qui est au Musée du Louvre.
Le 21 février 1832, Delacroix put assister à une noce juive à Tanger. D'une manière caractéristique de son attitude durant le séjour, l'artiste croqua sur le vif, observa (en particulier la réclusion de la mariée, effectivement absente du tableau) et enregistra minutieusement les détails de la fête et de ses prémices. Des années plus tard, il situera la scène dans la cour intérieure d'une maison tangéroise (celle-là même où s'étaient déroulées les noces ?) dont il avait précisément relevé l'architecture, notant dans un admirable dessin aquarellé (Louvre) le coloris de chaque élément. Le présent tableau procède donc largement d'un processus de recréation nourri par les souvenirs du peintre et étayé par une série de dessins exécutés durant le séjour et utilisés à la manière d'un collage. Delacroix restitue néanmoins de façon saisissante cette fête judéo-mauresque à laquelle il confère une grandeur intemporelle qui dépasse de beaucoup un exotisme poussivement anecdotique, ce qui déplut peut-être au comte Maison, lequel lui avait commandé un tableau dont, finalement, il ne voulut pas. Ne cédant à aucune facilité, en particulier chromatique (nul « chatoiement oriental » dans cette scène de demi-pénombre où un admirable mur blanc reçoit l'essentiel de la lumière), l'artiste compose impeccablement son tableau en faisant contraster la variété des attitudes et des costumes avec la rigueur architectonique d'un espace scandé d'obliques, d'horizontales et de verticales vertes.
Interprétation
Esprit libre, mû par une curiosité qui se vérifie notamment à propos des juifs du Maroc dont l'interprète de la délégation française, Abraham Benchimol, lui ouvrit les portes, Delacroix décrivit assez longuement cette noce juive en janvier 1842 dans la revue Le Magasin pittoresque. S'il ne sut pas toujours s'élever au-dessus des préjugés de son temps (la musique entendue durant le mariage lui sembla n'être qu'une éprouvante cacophonie, et il souligna que les « contorsions » des danseuses seraient regardées « chez nous […] comme de très mauvais goût »), il n'en fut pas moins sensible à l'intensité des sentiments et à la solennité riche de formes et de couleurs qui accompagnaient chez ses hôtes les grandes cérémonies et contrastaient avec la froideur compassée des Européens. Surtout, l'expérience de cette noce tangéroise et le travail que réclama sa transcription picturale aidèrent Delacroix à mûrir une approche proprement coloriste de la peinture dont les grands maîtres vénitiens et flamands des XVIe et XVIIe siècles avaient posé les jalons. Au Salon de 1841, le tableau reçut un assez bon accueil de la critique, qui fut néanmoins déroutée par une facture qui semblait juxtaposer des coups de pinceau « donnés comme au hasard » (Delécluze). Rien de hasardeux pourtant dans les petites touches de couleur pure placées dans les ombres par un peintre que son séjour marocain avait conforté dans l'intuition de la solidarité de la lumière et de la couleur indissolublement mêlées dans un jeu infini de reflets.
Étude réalisée par Alexis MERLE du BOURG et le Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme
Voir n° 29186
Bibliographie:
Maurice Arama dans ces différents ouvrages et articles.
JOHNSON Lee, The Paintings of Eugène Delacroix – A critical catalogue.1832-1863.Volume III.Text.Oxford, 1986, éd.revue et corrigée, 1993, n° 366.Peter RAUTMANN, Delacroix, Paris, Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 1997.ROSSI-BORTOLATTO Luigina (introduction P.GEORGEL), Tout l'oeuvre peint de Delacroix, Milan, 1972, éd.fr.Paris, 1984 (revue et mise à jour par H.BESSIS), n° 295.TRAPP Frank Anderson, The Attainment of Delacroix, Baltimore et Londres, 1971, p.129-134.